Corps et espace sécure : changer le monde du patient.
Corps et espace sécure: changer le monde du patient. grâce aux bienfaits de l'hypnose
Bacquer Souad
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L’hypnose thérapeutique et la théorie de l’attachement décrite par John Bowlby (1) insistent sur l’importance de la relation sécure pour modifier nos perceptions, se réassocier et développer une nouvelle manière d’être. Les deux cas présentés ici tentent d’illustrer ces notions.
Chirurgien vasculaire libéral, j’ai découvert au fil du temps l’intérêt de ces approches au quotidien dans le cadre de mon exercice à de multiples occasions en tant qu’outil complémentaire, en hospitalisation pour les douleurs fantômes après amputation, par exemple, au bloc opératoire pour la chirurgie des varices sous anesthésie locale stricte avec accompagnement hypnotique, ou à mon cabinet de consultation.
Comprendre l’importance de la relation sécure, pour faire face aux mondes de la maltraitance, de la guerre ou de l’abandon, m’a apporté un soutien théorique précieux dans la relation d’aide. Il me semblait jusqu’alors difficile de traiter tous mes patients avec le seul « background » d’hypnose dont je disposais, sans avoir intégré le lien entre relation insécure et dissociation. Les deux cas rapportés m’ont interpellé et je serais heureux de pouvoir échanger à leur sujet. J’y ai vu une illustration frappante de la théorie de l’attachement dans le cadre de la survenue, de l’aggravation ou du maintien de troubles physiques.
CAS N° 1 : UN PATIENT TRAITÉ POUR UNE ARTÉRIOPATHIE OBLITÉRANTE
Un patient âgé de 52 ans avait subi sur cinq ans de nombreuses revascularisations chirurgicales pour une artériopathie oblitérante. Informé sur le rôle du tabac dans sa maladie, le sevrage tabagique n’avait été obtenu que quatre mois auparavant. Un nouvel épisode d’ischémie sévère a nécessité une revascularisation chirurgicale en urgence, de nuit. Une ultime tentative par pontage axillo-fémoral en veine saphène a été réalisée. Le pontage s’est thrombosé (obturé) précocement, le patient est passé en ischémie suraiguë, bilatérale, hyperalgique. Le lendemain une amputation des deux cuisses a été réalisée en urgence. Geste terrible, mais nécessité vitale. La seule consolation étant alors que l’histoire au moins s’arrêterait là... Un mois plus tard, après son transfert en rééducation, le patient était réhospitalisé pour soins locaux en raison de la reprise du processus de nécrose d’origine artérielle sur ses deux moignons de cuisse. Soins locaux quotidiens, JetoxTM (A), morphiniques, perfusions d’Ilomédine (B) et d’Héparino-thérapie (C) intraveineuse, rien n’y faisait. L’aggravation était quotidienne, inéluctable, sans revascularisation chirurgicale envisageable. Je tentais dès lors de transférer ce patient dans deux CHU distincts, sans succès. Le service de médecine hyperbare de Brest a accepté de le prendre en charge durant 15 jours au caisson, sans résultat sur la cicatrisation. Le patient a donc été repris en hospitalisation dans l’établissement.
La seule alternative chirurgicale restante était la désarticulation de hanche bilatérale... Intervention terriblement délabrante pour un patient de 52 ans ! Ce patient a provoqué bien des insomnies dans l’équipe. Hasard ? J’avais en fin de semaine une supervision (2) à Nantes, durant laquelle j’ai présenté le cas de ce patient, et je me rappelle cette phrase inspirante, révélatrice : « Ton patient vit dans le monde de la guerre et de la maltraitance. Tu dois le faire changer de monde. »
Dès le lundi, je proposais (au pied du mur) un exercice d’hypnose au patient hospitalisé, dans sa chambre, en présence de son épouse et de sa fille. Rien à perdre, j’avais bien conscience de quitter mes gants de chirurgien pour endosser le rôle de thérapeute. Je me rappelle avoir réalisé une induction classique par un souvenir d’apprentissage, utilisé des métaphores portant sur la reconstruction d’un mur de briques et utilisé l’anticipation antéro-rétrograde.
Le patient était parfaitement réceptif lors de la séance. Pas certain du bien-fondé de ma démarche, je repassais le voir entre deux interventions le lendemain matin. « Que m’avez-vous fait, docteur ? », me dit-il. Sa nuit avait été très agitée par des rêves dont il n’avait pas le souvenir mais il était visiblement secoué. Nous avons pris la décision conjointe de le renvoyer à son domicile quelques jours après. A un mois il avait totalement cicatrisé... Son moral était bon, il avait débuté sa rééducation, récupéré de l’autonomie, son épouse était beaucoup moins déprimée et le chirurgien, totalement interloqué... Avait-il changé de monde pour celui de la vie et de la coopération ? Quoi qu’il en soit, il s’était remis en mouvement.
CAS N° 2 : UNE PATIENTE ENCEINTE VICTIME DE FAUSSES COUCHES À RÉPÉTITION
Le second cas illustre également la façon dont la relation d’attachement et la perception d’un monde sécure a guidé une intervention d’aide. Lors d’une autre supervision, je présentais le cas d’une patiente que je devais voir prochainement après sept fausses couches à répétition dans le cadre de FIV fécondations in vitro. L’hypothèse proposée durant la supervision était que la patiente inconsciemment refusait de concevoir un enfant dans un monde insécure, un monde de la guerre. Cette patiente étant collègue de mon épouse, je suis intervenu à son domicile en présence de son conjoint, alors qu’elle était alitée pour une nouvelle menace d’accouchement prématuré, au 5emois de grossesse (contractions, col ouvert). Une injection de corticoïdes avait été réalisée pour éviter à l’enfant qui risquait de naître dans les jours à venir une maladie des membranes hyalines…
Dr Jean-François DESJARDINS
Chirurgien vasculaire libéral à l’Hôpital privé des Côtes-d’Armor (Plérin), convaincu de l’importance du lien dans le processus thérapeutique y compris en chirurgie. Formations : hypnose et thérapies brèves à l’ARePTA-IMHE Nantes, au GEMA, DU d’hypnose médicale de la Pitié-Salpêtrière, Hypnodyssey (Villejuif), rencontres avec François Roustang.
Souad Bacquer
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